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Saint Savin du Lavedan, Eglise abbatiale de l' ancienne Abbaye bénédictine.

cantorum

Dernière mise à jour : 12 mai 2023



Lors du Triduum Pascal 2021








Choeur de l' Eglise abbatiale de Saint Savin du Lavedan: église paroissiale,

avant restauration.




plusieurs remaniement du maître autel:



En 1790, trois moines seulement y résidaient encore, mais la Révolution Française mettra un terme définitif à toute forme de vie monastique.

Les bâtiments sont vendus comme Biens Nationaux et l’église abbatiale, sur demande des habitants du village, devient donc paroissiale en 1791, en remplacement de l’église Saint Jean, devenue trop petite et vétuste.

Elle échappe ainsi à la démolition subie par de nombreuses et célèbres abbayes de France. Classée Monument Historique en 1840, l’église subit une nouvelle fois, par un fort séisme en 1854 qui l' endommage cruellement.

D’importants travaux, alors entrepris entre 1855 et 1863, grâce à l’architecte Boeswilwald et à l’appui de Prosper Mérimée assurent sa survie.


Aujourd'hui le tombeau de saint Savin, l' anachorète de Pouey-Aspé pendant treize ans,est l'autel principal de cette église.

Il fut un des premiers chrétiens à évangéliser la vallée après un séjour de trois ans dans la très célèbre abbaye bénédictine de Ligugé.

De chaque côté de ce sarcophage de style roman, deux grands tableaux peints sur bois et datés du XVe siècle, illustrent d'une manière très vivante la vie du saint.

Ils évoquent ses miracles et témoignent de la ferveur de tout un peuple pour celui qui deviendra le saint patron de cette vallée du Lavedan.

Fêté le 9 Octobre.

Adoration du Très Saint Sacrement en 2016, le 6 Mai, lors des Vêpres à la Bienheureuse Vierge Marie, pour le deuxième Pèlerinage des Choristes Grégoriens à Lourdes.














Triduum Pascal 2021






 

Abbé Jean-François Duhar Curé de la Paroisse du Sacré Coeur de Lourdes 6 Mai 2016 .






Enregistrement 2021


Te decet laus te decet hymnus ;

tibi gloria Deo Patri, et Filio,

cum Sancto Spiritu

in sæcula sæculorum. Amen


À vous revient la louange,

à vous convient l'hymne ;

à vous gloire, à Dieu le Père, et au Fils,

et au Saint-Esprit,

dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il


l'hymne "Te decet laus" sert de conclusion lors de l'office solennel des Vigiles













Vie de saint Savin, anachorète de Bigorre (5 e siècle) par Jean Béziat

Pau Décembre 2000


I Le disciple de saint Martin

Le bienheureux Savin naquit en Espagne, en cette même cité de Barcelone où, en l'an 394, saint Paulin le bordelais, après avoir renoncé à ses immenses richesses pour la pauvreté volontaire de la vie chrétienne, était fait prêtre, et exhortait son ami toulousain Sulpice-Sévère, le disciple de saint Martin, à venir le rejoindre.


1 Savin reçut dès l'enfance une brillante éducation. Il perdit son père dans l'âge le plus tendre, et l'attention de sa mère se reporta entièrement sur lui. Devenu adulte, il quitta cependant le foyer natal pour s'attacher à sa parenté céleste, le Christ et son épouse, l'Eglise : ayant en effet entendu parler des vertus de saint Martin, que Sulpice-Sévère avait rendu célèbre dès 397 dans tout l'Empire, Savin suivit une brève instruction spirituelle, vers 398, auprès de Sévère qui, délaissant sa villa d'Eluso en Lauragais, se retirait dans un unique domaine toulousain, Primuliacum.


2 N'ayant, tel un apôtre, aucun endroit où reposer la tête, Sévère ajoutait à son nomadisme de renonçant de fréquentes visites aux fondations monastiques du grand Martin : Ligugé et Marmoutier. Proche de Sévère, Savin l'accompagna sur ces routes de pèlerinage. Lors de cette période, Savin rendit visite à saint Paulin à Rome, à l'occasion de la fête des Saints Apôtres, jouant exceptionnellement le rôle de porteur de courrier entre les deux amis (''Lettre 17'' à Sévère ; 399). Peut-être chargé par Paulin de ''dérober'' Sévère à Martin, Savin rejoignit ce dernier à Ligugé (Locoteiaco). C'est dans ce cénobium que Savin éprouva le désir de se dérober lui-même.


3 S'étant tenu en ce lieu avec constance durant près de trois ans, y observant la discipline du bienheureux Martin, Savin aspira à la solitude d'un désert, selon l'exemple même du Maître qui l'avait précédé en ces lieux. Savin avait entendu parler du monastère fondé depuis peu par Arborius, autre disciple de Martin, dans son palatium des montagnes de Bigorre;


4 un moine du nom d'Orientius, très proche de Sulpice-Sévère et originaire de Tarraconaise (actuelle Catalogne) comme Savin, était en train de s'établir sur un escarpement faisant face à ce cénobium ; Sévère, quant à lui, faisait construire un baptistère et deux églises à Primuliacum, à l'Ouest de Toulouse - y accueillant disciples de Martin et pélerins de retour d'Egypte ou de Palestine. La ''Lettre 22'' de saint Paulin de Nole à Sévère, en 400, fournit peut-être une indication sur ce que devait être l'aspect des moines et les servants de Primuliacum avant et après cette date : Qu'un sac leur serve de manteau. Qu'ils n'aient qu'une corde pour ceinture ; que Qu'un sac leur serve de manteau. Qu'ils n'aient qu'une corde pour ceinture ; que de longues touffes de cheveux ne flottent pas impudemment sur leurs fronts ; que leurs chefs soient tondus ; qu'ils préfèrent la chaste difformité d'une tête rasée aux honteux ajustements de la vanité ; que leurs cheveux soient inégalement et à moitié rasés, leurs fronts entièrement découverts ; qu'ils s'étudient à paraître difformes, à rendre avec modération leurs visages désagréables à voir, tout en travaillant sagement à la perfection de leurs âmes.

Par là, comprenons que Paulin reprochait à certains disciples de Sévère un habillement trop soigné, une chevelure trop longue, notamment sur le front, bref une apparence trop noble et apprêtée. Aussi n'est-il pas déraisonnable de penser que notre Savin, alors qu'il portait ses regards vers les rudes escarpements pyrénéens, devait en tout point ressembler à la description de Paulin et à cette mosaïque milanaise du Ve s. représentant saint Ambroise de Milan, ou à cette autre de Ravenne qui, au VIe s., nous dépeint les traits de saint Martin : cheveux très courts mais uniformément rasés, barbe moyenne à courte ; long manteau de lin épais, simple et sans artifice.


II Savin s'établit en Bigorre

Savin ayant fait part une nouvelle fois de sa résolution en conseil monastique, un unique compagnon lui fut attribué pour la route, qu'il entreprit à travers Aquitaine et Vasconie jusqu'à ce que son regard embrassât enfin les cimes aériennes et nuageuses des Pyrénées, lui indiquant qu'il venait de pénétrer dans la province de Bigorre. C'est là, dans la belle vallée du Lavedan, qu'il finit par trouver l'abba Phronime à la tête d'un petit nombre de moines, dans un castrum appelé Palatium Aemilianum. Le disciple de Martin, Aemilius Arborius Magnus, avait fondé en ce lieu, dans un de ses domaines, un petit monastère.


5 Exposant à Phronime l'étendue de son désir, grâce à Dieu, Savin réussit à plier la volonté de l'higoumène et le persuada de l'accompagner vers un lieu plus reculé, la brebis entraînant pour ainsi dire son propre pasteur, et le disciple instruisant son propre maître.


6 Ensemble, les deux hommes eurent tôt fait de trouver dans la montagne un lieu providentiel, aussi pauvre en ressources que difficile d'accès.


7 Il y coulait de temps en temps un étroit filet d'eau ; par grande chaleur, celui-ci tarissait un certain temps, et ne pouvait suffire à les désaltérer.


8 Si bien qu'ils durent se résoudre à transporter sur leurs épaules, dans des outres, l'eau du versant de montagne située en face, sur une distance de près de mille pas : alors qu'ils voulaient apaiser la sensation de chaleur, le poids de l'eau attisait davantage leur soif, et, la sueur attisant la sensation de chaleur, ils désiraient d'autant plus tempérer leurs entrailles desséchées... En fait, la neige, lorsqu'elle vint, se montra plus réconfortante : avec l'aide du feu, l'eau ainsi produite en faisait un parfait breuvage, et pouvait servir à une quantité d'autres usages. Certes le froid se faisait alors plus grandement sentir, mais la disponibilité immédiate de l'eau obtenue grâce à la neige rendait les travaux moins pénibles. Dans le lieu où était établi leur gîte, sur une sorte de promontoire rocailleux entouré de pentes raides et dénudées, la force du vent de Sud s'exerçait partout, et l'être humain, errant tel un naufragé jeté à terre, risquait à tout moment de perdre pied. Les deux hommes suaient sang et eau, car le moindre matériau nécessaire pour dresser et couvrir la petite cabane se transformait en un fardeau qu'ils devaient hisser sur leurs épaules, et transporter parfois depuis le monastère, sur près de deux milles. Il en fut ainsi jusqu'à l'achèvement de l'ouvrage, au terme d'une année environ. Lorsque tout fut terminé, l'abba Phronime s'en retourna vers ses frères. Et comme il demandait à Savin pour quelle raison il s'était ainsi retiré sans discussion, ce dernier répondit par les propres paroles de saint Paulin, dans son célébrissime ''Poème 10'' à Ausone, écrit en 393 : on doit se réjouir qu'un homme fasse ce que bon lui semble, du moment qu'il fait ce qui est avantageux, c'est-à-dire du moment qu'il cherche à faire en Christ son salut et qu'il garde le trésor de la foi.


9 Loin de déroger à la règle de l'obéissance dans laquelle, par son séjour cénobitique à Ligugé, il s'était montré irréprochable, Savin avait fait le choix volontaire de vivre selon la volonté du Seigneur, et exprimait par sa réponse une vérité propre à tous les Pères, à commencer ceux de son époque et de son entourage, Paulin, Sévère, Orientius, Jean Cassien ou Eucher, vérité non encore altérée par les innovations nées de la spéculation intellectuelle augustinienne, à savoir que la volonté humaine collabore avec la volonté divine dans loeuvre du salut, la grâce et le libre arbitre concourent dans une véritable synergie : C'est à nous qu'il revient de faire sincèrement ce qui dépend de nous ; la grâce reste disponible, cherchant qui la recevra en abondance (Saint Jean Chrysostome, ''Homélies sur la Genèse'' ; 16, 1), et Quiconque satisfait à Dieu, consulte par là même les intérêts de son âme, et réciproquement, quiconque travaille aux intérêts de son âme, satisfait à Dieu par là même. Alors, les deux choses qui nous importent le plus sont si bien liées ensemble par un heureux enchaînement, que l'accomplissement exact de l'une est toujours l'accomplissement de l'autre, le Seigneur, en son ineffable bonté, recevant comme un sacrifice le bien que nous nous procurons à nous-mêmes (Saint Eucher de Lyon, ''Du Mépris du monde'').

Désormais seul, Savin s'était aménagé un habitacle renforcé, long de sept pieds et large de cinq, une véritable prison domestique !

Le courageux ermite s'enferma dans cette caverne hostile, là où, sans bouger, le repos s'obtient à travers la souffrance. Il est certain qu'un des proches de Sulpice-Sévère (Sévère lui-même ?), sous le pseudonyme de ''Zacchée'', avait l'exemple de Savin sous les yeux lorsqu'il décrivait le troisième et plus haut degré de la vie monastique d'alors (en 411), à savoir l'érémitisme : ces moines, disait-il, habitent seuls les étendues incultes et les lieux arides du désert. Ils résident sous des rochers creux et dans des cavernes souterraines qui les protègent du soleil et des pluies (cf. Sévère, Vita sancti Martini ; 10, 5). Ils ne se nourrissent de rien d'autre que de vieux pain , et tirent des sources une boisson pure. Leur vêtement est en peau ou en cilice, et la conduite de toute leur vie consiste en un combat entre l'esprit et le corps. Dès lors, ils font monter vers Dieu des prières incessantes, et leur supplication tient lieu de sacrifice. Leur prière ne s'arrête que pour faire place au chant de louange de la psalmodie.


10 Ils sont constamment en butte aux attaques des démons. Leur jeûne est assidu ; les nuits sont passées en veilles, et leurs pauvres corps s'allongent à même la terre, sans appui, ou s'y endurcissent, jetés pendant un moment sur le roc, afin que le sommeil soit repoussé par ce moment pénible et court. (Consultationes Zacchei et Apollonii, Livre III, ch. 3)


III Vers la cime de l'humilité

Avant même les rudes épreuves de l'ascèse, très tôt le Malin tenta de susciter contre l'ermite l'inimitié des hommes. Chromatius, le propriétaire du terrain stérile sur lequel la cellule avait été édifiée, avec insolence, somma le saint homme de quitter les lieux sous peine de dommage. Mais Savin, ferme dans sa résolution, endura patiemment les menaces plutôt que d'abandonner sa cellule. Il y demeura, jour et nuit, environ treize ans. Totalement démuni, il n'avait pas même la compagnie d'un petit animal. Là, sur le flanc de la montagne hostile du Cabaliros, il gardait la réclusion en vue de la liberté éternelle. Par l'abstinence et les privations, l'acier d'un tempérament trempé dans la foudre et le givre triomphait véritablement de l'humanité. Il se contentait d'une simple tunique et d'une vulgaire peau de bête jetée par-dessus. Il demeurait pieds nus même durant l'hiver de la montagne, glacial, impitoyable.


11 Il était d'une constance admirable. Le froid avait beau fendre les pierres, son âme ressemblait à une fournaise. Sa chair pauvrement vêtue, en s'endurcissant, parvenait à dominer la sensation de froid. À l'exemple des solitaires de Marmoutier, vivant les uns dans des cabanes, les autres dans des abris taillés dans le roc, le grabat dans lequel Savin s'allongeait n'était autre qu'une excavation dérobée, une anfractuosité naturelle entaillant une roche plate au bord du précipice ; il l'avait recouverte d'un toit de bardeaux, de sorte qu'elle semblait moins une couche qu'un sépulcre. L'été venu, sous l'ardeur du soleil méridional, elle offrait à l'ermite quelque fraîcheur. Mais lorsque survenait un de ces violents orages montagnards, la fosse inique se remplissait d'eau et débordait. L'ermite, grelottant, devait écoper ou fuir. En hiver, la position enfoncée de la cellule la protégeait des bourrasques glaciales balayant les contreforts pyrénéens, mais obligeait le saint homme à déblayer de grandes quantités de neige. Le froid, toutefois, n'en était pas moins grand, transperçant l'ermite jusqu'à la moelle des os, le figeant dans une dangereuse torpeur, littéralement enseveli sous les tuniques de peau et la cendre, rivé aux tièdes aspérités de la roche : la règle était l'économie des forces, et toute dépense excessive de mouvements, dans cette prison de givre, était proscrite. En même temps, le saint homme devait à tout prix rester éveillé, tout endormissement signifiant la mort. Autant dire que la survie, durant ces longs mois et ces interminables nuits d'hiver, tenait à un fil, un fil cependant qui lentement tissait le salut éternel du saint anachorète.

Car le Seigneur, voyant la constance de son serviteur, immergé en prière continuelle au point d'en oublier la morsure des éléments, avait soin de lui envoyer une force insoupçonnable. Comment expliquer que Savin ait pu ainsi s'affranchir des gelures et de la gangrène, de la vermine qui chaque été ne manquait pas d'investir son gîte, des loups affamés qui l'hiver épiaient ses moindres déplacements, de la congestion pulmonaire, de l'épuisement né des interminables jeûnes forcés ? Avec le soutien de la grâce divine, Savin supportait ces attaques multipliées avec patience, en vue de parvenir, à travers l'eau et le feu, au lieu du rafraîchissement.

Saint Orens (Orientius), arrivé en même temps que Savin en Lavedan, où, sur les bords d'un torrent près d'un cirque montagneux, il avait fondé un oratoire et construit un moulin, luttait contre le paganisme vascon lorsque le peuple de la cité d'Auch, le réclamant pour évêque, vint l'arracher à son ascèse. C'est donc en toute confiance qu'il laissa à un héritier, à savoir l'abba Savin, le séjour auquel il venait de s'abreuver, et s'attacha à la direction pastorale de la métropole d'Auch (Vita Orientii de Moissac, XIIIe s. ; B. N., mss. 2627, f° 163v).


12 Devant une telle inébranlable détermination, le Seigneur ne tarda pas à gratifier Savin de multiples charismes, au point qu'un vieux texte du Xe ou du XIe siècle, cité en préambule d'une donation de 945 et s'appuyant sur une source plus ancienne,


13 qualifie Savin d' ineffable thaumaturge (miraculorum patrator ineffabilis). Un certain Gaudentius et sa femme étaient venus ensemble supplier le bienheureux de sauver leur fils nouveau-né, car ils ne disposaient pas de lait en quantité suffisante. Par la prière et l'intercession du saint homme, leurs demandes furent exaucées : la mère reçut en abondance ce qui refusait de couler de son sein. Alors qu'il passait une nuit dans les veilles, selon la pratique habituelle, et qu'il n'avait pu se procurer nulle part la moindre lumière, une flamme imprévue jaillit d'un cierge complètement éteint, qui se mit à briller intensément devant lui. C'est ainsi que la lumière invisible provenant du coeur embrasé de Savin, fut changée par le Seigneur en lumière visible pour son serviteur. De même le bienheureux, en échange de ses prières, obtint de Dieu qu'un cierge minuscule se consumât avec ardeur tout au long d'une nuit, jusqu'au lever du jour. Le pouvoir que le Seigneur conférait à Savin sur les forces du mal ne se limitait pas au seul domaine de l'idolâtrie. Ainsi, un démon avait totalement pris possession d'un esclave, qui se trouvait cruellement affligé, roué même de coups par l'Ennemi. On amena avec douceur au bienheureux Savin cet homme, corrompu par plus funeste que lui, et à peine se fut-il présenté qu'il se trouva guéri. Il serait trop fastidieux de dire combien Savin a guéri d'énergumènes, car très souvent, comme l'avait fait notre Seigneur grâce à la frange de son vêtement, il mettait en fuite de terrifiants démons par l'envoi d'une simple missive - saint Martin, de la même façon, avait guéri d'une fièvre mortelle la fille d'Arborius, le fondateur du monastère de Phronime). Sa prière incessante, élevant vers le ciel un parfum agréable au Seigneur, appelait ce dernier, en reconnaissance de tant d'amour, à répandre librement sur son disciple la rosée des charismes spirituels.


IV La rigueur de la foi

Savin s'attacha toujours et de tout son coeur à la Vérité. Aussi, évitait-il tout serment à l'égal d'un sacrilège. On dit aussi qu'il extirpait le venin du mensonge avant même qu'il ne fût proféré. Le vieux texte médiéval auquel nous avons fait allusion précédemment, jouant sur les mots doctor et doctrina, qualifie paradoxalement Savin d'homme admirable par sa doctrine (vir doctrina admirabilis) et de docteur au style sec (doctor exilis). Ses paroles, en effet, reflétaient l'austérité de sa vie : peu abondantes, elles jaillissaient de sa bouche comme le claquement sec d'un fouet, tour à tour piquantes comme la grêle et brûlantes comme la foudre. Savin lutta essentiellement contre le paganisme des Vascons, qui personnifiaient et divinisaient leurs montagnes et qui, en Lavedan, avaient érigé sur les flancs du proche mont Nerbiou un fanum idolâtre. C'est à ce poste que le métropolite d'Auch Orientius (saint Orens), homme de miséricorde, à la doctrine sûre - ennemi acharné de l'arianisme -, avait nommé Savin.


V Dormition de Savin

Vers la fin de son bref séjour terrestre - une quarantaine d'années, tout au plus - , le saint anachorète fut tourmenté par une lancinante infirmité. La providence divine amena à l'ermitage le diacre Julien, que l'abba Phronime avait envoyé pour servir et soulager Savin. Un autre diacre, Sylvain, lui fut adjoint par la suite. Le monde avait eu raison de son corps, mais l'âme de Savin triomphait de ce monde. Sachant que sa mort était proche, sans la moindre explication, Savin fit demander l'abba Phronime. L'abba répondit qu'il lui était impossible de venir à ce moment-là, les occupations du monastère le retenant. Le bienheureux Savin, s'adressant au messager, rétorqua : Qu'il veuille bien venir aujourd'hui, car demain une occupation bien plus grande le pressera. En hâte, d'autres moines furent convoqués et donnèrent un avis concordant : c'est ainsi, la veille de son trépas, que Savin se désigna un successeur à sa convenance.


14 A l'approche de l'heure ultime, le saint anachorète se redressa et, les mains levées, se répandit en prières. Ayant parachevé son oraison et triomphé de ce siècle trompeur, ayant enfin rompu les liens de la pénible geôle et exhalé son dernier souffle, le courageux ermite s'envola dans l'éternelle félicité du Christ. Savin étant parvenu avec bonheur au terme de la vie présente, l'assemblée angélique l'emmenait recevoir la couronne de la victoire, et c'est ainsi qu'il gagna sa glorieuse place dans le Royaume, le 9 octobre de l'an 415 ou 416.


15 Avant même que le saint homme fût enseveli, on vit se présenter un aveugle. La tradition orale place l'événement au village d'Uz, le plus proche de l'ermitage du saint. A peine l'aveugle avait-il salué le saint sur son brancard, qu'il reçut la lumière par ce baiser : la dépouille enfermée dans la tombe rendait la vue au vivant de ce monde !


16 Dieu montrait de cette façon que, malgré son trépas, saint Savin ne connaîtrait jamais la mort. D'autres événements vinrent encore le prouver tout au long des siècles. En 1477, un incendie ayant totalement ravagé le grand monastère médiéval de Montearagon, près de Huesca en Espagne, seule la chapelle dédiée à saint Savin, contenant une de ses reliques depuis 1088, resta intacte. En 1678 se produisit un grand miracle : lors d'une crue catastrophique du Gave de Pau, les reliques de Savin furent descendues jusque sur les bords de la rivière : celle-ci regagna immédiatement son lit.


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VI Culte de saint Savin

Très tôt, Savin fut vénéré comme un saint. Contemporaine de la rédaction de la Vita primitive, une basilique fut édifiée dans l'enceinte du monastère de Phronime ; elle paraît remonter au VIIe siècle. Une charte de 860 environ (confirmation de la donation de la comtesse Fakilo au monastère St Orens en 839), reproduite au XVe s. dans un recueil intitulé ''Livre Vert de Bénac'', cite Savin parmi les six plus grands saints honorés en Lavedan à cette époque. L'abbaye St Savin de Lavedan est mentionnée vers 900 sur un rajout à la ''Notice des monastères'' du Synode d'Aix-la-Chapelle (817-819) présidé par Benoît d'Aniane. Cette abbaye, alors bénédictine, devait être de modestes proportions. Rénovée et agrandie en 945, un faux du XIIIe s. la dira dédiée jusqu'alors à saint Martin. Bénéficiant de la démolition progressive de l'église paroissiale St Jean-Baptiste, l'abbaye trouva au début du XIIe s. sa forme actuelle (l'abbé Bernard-III, dit-on, en aurait posé la première pierre dans la deuxième moitié du XIe s.) La consécration définitive date de 1140. C'est de cette même époque (XIe ou XIIe s.) que date le petit édifice roman qu'on construisit sur l'emplacement de l'ermitage (lieu-dit ''Pouy Aspé'') ; les tableaux historiés du XVe s. qui ornent le choeur de l'abbatiale montrent à cet endroit une petite église de plan rectangulaire, flanquée d'une abside latérale et dominée par un clocher-mur à deux claires-voies, comparable à d'autres édifices romans de la vallée du Gave (Vizos ; Soulom) ou de la plaine bigourdane (Julos). Tombé en ruines vers 1795, quelques vestiges en étaient encore visibles en 1819 ; il n'en reste qu'un chrisme de linteau d'époque romane, aujourd'hui déposé contre un bas-côté de l'église d'Uz. La chapelle actuelle de ''Pouy Aspé'' date de 1861 ; un office avec procession y est célébré, le premier samedi de mai, en présence d'un grand concours de peuple de la vallée. Au début du XIIe s., le culte de Savin fut étendu à l'ensemble de la Gascogne et à sa métropole, Auch. Jadis important (une vingtaine de dédicaces, dont trois en Aragon), ce culte s'est considérablement réduit depuis deux siècles, en grande partie à cause de la réforme du bréviaire introduite par le pape Pie V. Outre Ligugé, en Poitou, une dizaine de dédicaces existent encore de nos jours en Gascogne. Les reliques de saint Savin peuvent être vénérées principalement dans sa basilique lavedanaise (trésor de la salle capitulaire, tombeau de l'abbatiale), mais aussi non loin de là à Cheust, ainsi qu'à Auch (cathédrale Ste Marie), à Larrivière (Tursan), à Buglose (Chalosse), à Ligugé (depuis 1851 ou 1852) et en Espagne, depuis 1088, à Montearagon près de Huesca (si la relique n'a pas été transférée ailleurs, le château tombant en ruines). Outre les ossements et la terre de sa tombe primitive, la salle capitulaire de l'abbatiale de St Savin-en Lavedan abrite le bonnet monastique du saint ermite, conservé dans un coffret reliquaire du XVIIe s., et dont la présence est attestée depuis 1379 ; Dom Romary précisait au début du XXe s. que ce bonnet est une calotte semisphérique en étoffe noire, ...dont l'authenticité ... serait moins garantie. La châsse gothique en argent du Pérou ciselé, contenant de nombreux ossement de saint Savin, que l'on peut admirer au musée de l'abbatiale, n'est pas aussi ancienne qu'on l'a souvent affirmé ; attestée seulement en 1608, elle ne date que du XVIe s. Elle comporte deux images de l'ermite, l'une ciselée à même le métal, l'autre en haut-relief : on dit cette dernière effigie plus ancienne (certains lui ont attribué le XIIe s. !) Tel n'est pas notre avis. Son style gothique, bien que grossier, ne lui permet pas de revendiquer une origine antérieure à celle des tableaux historiés du chÏur de l'abbatiale, datables du XIVe ou XVe s.


APPENDICE La mystification du ''Savin carolingien''

Le lecteur averti pourra se montrer surpris de nous voir situer notre ermite dans le Ve siècle. Ne clame-t-on pas partout avec assurance que Savin vécut au temps de Charlemagne ?... Ce qu'on ignore généralement, c'est que cette ''tradition'' n'apparaît pas avant 1677 (Monasticon Benedictinum) ; de peu ultérieure (1679), la version manuscrite d'un bénédictin de la Congrégation de St. Maur, conservée au Musée de St. Savin, a aujourd'hui les faveurs de tous à l'exclusion de toutes les autres sources plus anciennes.

On trouve dans la Bibliothèque de Bagnères-de-Bigorre l'Office de saint Savin (Mss. n° 11) d'un autre Mauriste, Joseph Roset : daté de 1701, il est de la même veine que celui de 1679. Déjà, au début du XIIIe s., le ''Cartulaire de St Savin'' reproduisait la Chronique de Bernard-III (XIe s.) en la tronquant à l'endroit précis où figure le rôle de Charlemagne dans la construction de l'abbaye ; c'était d'ailleurs la première fois que le nom de l'empereur était mentionné dans cette histoire.


18 Or, c'est également en ce XIIIe s. que fut répandue la mystification faisant croire que le monastère restauré en 945 était jusqu'alors dédié à saint Martin ; rien d'étonnant à cela : si l'on fait de Charlemagne le constructeur du monastère primitif, Savin lui est donc contemporain, et donc l'abbaye ne peut être dédiée à Savin !... Hélas, Théodulfe d'Orléans, missus dominicus en 798 dans le Midi, mentionnait bien la rivière Gabarrus (Gave de Pau), mais ne disait mot de l'abbaye de St Savin, prétendue fondation de Charlemagne. Tout commença en 1624, avec l'affiliation de l'abbaye à la congrégation bénédictine de St Maur.

La rapacité de ces moines est tristement célèbre; dès leur arrivée s'accumulèrent les faux et les procès. En 1627, un copiste fit précéder la charte de fondation de la ''Chronique de Bernard-III'' d'un préambule archaïque se terminant par les mots construxit mirifice, mots douteux et ne collant guère avec le texte qui précède, mais qui tombaient à pic pour s'accorder avec le début de ladite charte de fondation, nommant Charlemagne. En 1640, en appui sur ce document mais ne l'avouant pas, Marca interpréta tendancieusement la charte tronquée de Bernard-III, et affirma que Charlemagne avait rebâti le monastère en 778. On voit mal le roi des Franks, courant combattre les Saxons et apprenant en chemin le désastre de Roncevaux, aller tranquillement rebâtir une abbaye en Lavedan : ce n'était ni le moment ni le lieu... En 1657, une Vie rédigée par Labbe donna ce même rôle de ''rebâtisseur'', toujours sans preuve, à Louis-le-Débonnaire. Le Monasticum Benedictinum de 1677, s'il admettait l'ancienneté du cénobium primitif (fin du VIe s., par des disciples de saint Romain de Condat, encore et toujours sans preuve), transposa la vie de Savin au VIIIe s., juste avant le couronnement de Charlemagne. L'abbaye aurait été construite ensuite par l'empereur.

Le manuscrit mauriste de 1679, sans le moindre fondement, ajouta sans vergogne à la falsification : Savin serait né au début du IXe s., du comte de Barcelone (qui était alors le wisigoth Bera !) ; le poitevin Hentilius, son oncle, était frère ou fils du comte frank Abbon son prédecesseur ; il séjourna à Ligugé sous l'ordonnance bénédictine, puis, jusque vers 850, dans le monastère même de Frominius, monastère restauré par Charlemagne en 786... L'historien Meillon, dans divers écrits de 1920 à 1935, figea définitivement ces fables tardives en affirmant péremptoirement que Savin, venu à Poitiers en 778, arriva en Lavedan en 781 et mourut en 794. Les successeurs de Meillon et des modernes vulgarisateurs, par leur manque de sérieux, ont depuis alimenté la légende populaire, avide d'images d'Epinal. Parallèlement à ces inventions, des autorités bien plus grandes ont exprimé une opinion tout autre : les Bollandistes (Acta Sanctorum), à commencer par De Bye ; le bénédictin Dom Chamard (Hist. Eccl. du Poitou, 1880 ; II ; 3, 32) ; Aubert (Hist. gén., civ., relig. et litt. du Poitou; 1885), et Dom Billet, bénédictin de Tournay en Bigorre (Un disciple méconnu de saint Martin ? Saint Savin de Lavedan; in Studia monastica ; IV, 2; Montserrat, 1962).

Tous ces chercheurs situent Savin au Ve siècle. Dom Romary (Rev. des H.-P. ; 1921- 24), bénédictin de Ligugé, lui attribuait le début du VIes., sous le roi wisigoth Alaric-II.

Nous ne reviendrons pas sur le fait que, bien auparavant, le manuscrit du XIIIe s. de Moissac (B. N., n°2627 ; f°163v) faisait de Savin l'héritier de l'oratoire lavedanais d'Orientius, sans parler de l'étymologie Locoteiaco (exclusivement mérovingienne) désignant Ligugé dans la Vita du XIVe s. (voir nos ''Preuves'') ; ce dernier détail est corroboré par la présence de trois chapiteaux mérovingiens (VIIe s.) dans la collégiale bigourdane de St Savin : culte et légende sont, à quelque chose près, de cette même date.


19 Il n'est pas impossible que l'auteur de la Vita primitive soit Venance Fortunat, évêque de Poitiers (dont on retrouve les tournures poétiques en maints endroits), ou un personnage à peine plus tardif (entre 610 et 700). Savin lui-même est par conséquent antérieur au VIIe siècle. C'est ce qui explique que le ''préambule'' de la prétendue ''donation de 945'', lequel ''préambule'' est datable du XIe s., nomme Savin successeur des Apôtres !... Les historiens et chroniqueurs frankophiles ont tout fait pour ''germaniser'' les noms, exclusivement gréco-latins, de la Vita originale20 : déjà suspect par ailleurs, Eutulius (Eutytius ?) est devenu Hentilius, Fronimius (Phronimius) a été transformé en Fromin. Charlemagne, d'abord prétendu restaurateur du monastère lavedanais (Cartulaire du début du XIIIe s., interprété par Marca, 1640), en devint subitement le fondateur, selon le Monasticon Benedictinum de 1677... A propos de la brève instruction reçue par Savin entre Barcelone et Poitiers, le terme sub arte, ''en instruction'', du Bréviaire de Huesca du XIIIe s., s'est transformé en sabarte, ''à Sabart'' (abbaye carolingienne ariégeoise) dans la Vita du XIVe siècle... Il y a dans toute cette fable une sorte de volonté acharnée de transporter un saint gallo-romain dans une ère carolingienne (et sous une observance bénédictine réformée) où on le juge ''mieux placé''. Profitant de l'indigence des sources, la falsification temporelle, dans ce cas précis, atteint un véritable sommet : près de quatre siècles !


Preuves Saint Paulin de Nole

''Lettre 17'' à Sulpice-Sévère (399) (extraits)


Nous produisons ici une lettre de saint Paulin à Sulpice-Sévère, lettre qui montre qu'en 398-399 le disciple toulousain de saint Martin comptait, parmi ses proches, un certain Savin. Or, Sévère à cette même date fréquentait assidûment Marmoutier et Ligugé, avant de se rapprocher des Pyrénées et de s'installer à Primuliacum, non loin de Toulouse et tout près des diocèses gascons d'Auch et de Comminges.

De la même façon saint Savin de Lavedan, après un bref séjour en Narbonnaise, séjourna à Ligugé avant de rejoindre la Bigorre. Les deux parcours sont étrangement parallèles... ...

Vers la fin de l'été, nous partîmes pour Rome, plein de la pensée que tu t'y serais rendu, non à cause de nous, mais attiré par la vénération que t'aurait inspirée la fête des Apôtres. Trompés dans notre attente, nous n'avons pas été néanmoins privés tout à fait de ta présence, puisqu'un serviteur de notre frère Savin nous a remis ta lettre. Ce qui nous surprit, dans cet individu, c'est que son habit et sa chaussure n'annonçaient pas un religieux : son visage était aussi rouge que la casaque militaire (armilausa) qui lui couvrait les épaules. Son langage nous paraissait peu spirituel. Nous sûmes enfin qu'il n'était pas un de nos messagers, et lorsque le maître vint nous demander la réponse à la lettre qu'il nous avait envoyée par son valet, il nous apprit qu'il avait lui-même l'honneur d'être de tes proches (copulatus).21 Il était devenu notre ami en nous faisant remettre ta lettre ; mais en faisant plus amplement sa connaissance, nous l'embrassâmes avec un redoublement d'affection. (...) Tu aurais pu venir à Nole et t'en retourner en moins de temps qu'il ne t'en a fallu pour les voyages que tu fais chaque année dans les Gaules, et pour les courses souvent réitérées, dans l'espace d'un été, à Tours et en des lieux plus éloignés encore. (...) Nous sommes loin de te blâmer, nous te félicitons au contraire, de visiter souvent Martin ...


Vita beati Oriencii pontificis Manuscrit de Moissac (XIIIe s.;22 B. N., lat. n° 2627)


f° 162v : ... In ea denique provincia que proprie Beorra dicitur inest quidam locus. ipse quidem de nomine vallis Cap(r)asia nuncupatur ; Cui etiam reducto paululum ambitu alpium. ad sidera verticem tollencium circumseptus. nulli umquam fuerat pervius (...) Hunc au... XR(ist)i confessor Oriencius libenter adiit. ibique in devexo montis latere. oratorium sibi statuit ; Molendinum etiam in rivulo Isaurio. q. proforibus oratorii pret. fluit. dissimili aliorum qualitate in omnis construere studuit...


f° 163v : ...Unde procul dubio celitus procuratum ...ut relicto suae praelibatae habitacioni herede. Savino videlicet abbate. ipse pastorali daretur. regimine. tantum in Auscia metropoli urbe... Vita sancti Savini confessoris (St Victor de Marseille ; XIIIe-XIVe s.; d'après une Vita prima poitevine du VIe ou du VIIe s.) Manuscrits de Huesca (fin-XIIIe s.), Bagnères-de-Bigorre (XIVe s.) et Toulouse (v. 1366)23 (Beati qui incitantur animi ad spei melioris et bonae partis studia, cum sanctorum describitur generose vitae norma tradita discipline. Quia desiderantium dum curiosis auribus ingeruntur exposita, nec vivaci memoria fraudantur elapsa, sed proficiunt timentibus testificante pagina, cum tenentur incerta sui merita gloriosa.) Beatissimus Savinus de Barchinon(i)a civitate Hispaniae regionis indigena notescit calculo quod in puerili aetate est primis elementis eleganter imbutus. Relictus a patre parvulus in ipso solo reclinabat totus genitricis aspectus. Qui adultus ut parentes in Gallia visitaret Christo disponente, de loco propriae cognationis egressus est ac post sub arte aliquantulum demoratus, pictavis associatus est parentibus, scilicet Eutulio (Eutytio ?) qui tunc comitive publica administratione florebat. Cui Gomellus filius erat. Quam optimus institutor acceptum discipulatus causa reddidit litteris informatus gratia disciplinae. Qua pro causa a comite singulariter habitus, quaestibus opulentus praeter simplicem vestitum vel unius equi vehiculum, quidquid superveniebat, liberali gratia pauperibus erogabat. Detrimento reputans nisi jam tunc ibidem totum sine fraude dirigeret ubi centuplicata commercia bonus dispensator multiplicata fenore reciperet. Hinc, eo persuadente, predicti filius comitis regulam monasterii pene fugitivus expetiit. Tunc materfamilias sanctum Savinum precatur ut filium suum de Locoteiaco sancti Martini monasterio revocaret concito articulo. Quod vir justus libenter amplexus ad hoc premissum sequitur ut contubernali teneretur cenobio, ubi se tradens regulari sub ordine, qui alterum perrexit adducere se subduxit. Quo fere tribus annis fideliter conversatus semper augmento, considerans beati Martini morem, secreta heremi petiit, ut (viam) sequeretur discipulus qua praevius trahebat magister haud invitus. Rursus hujus propositi participato consilio, uno tantum ascito socio dum aereas alpes24 nubibus vicinas amplectitur, Bigorritanam civitatem viator ingreditur. Quo in loco Fronimium abbatem paucis cum monachis rep(p)erit, qui ad hoc desiderii sui ora protendens ut eum ad remotiora loca secum protraheret sed Deo disponente cum abbate profectus est ; et quasi doctior ovis novo more ipsum (per)trahit in praeda(m) pastorem, illum docens sub quo agebatur discipulus. Itaque ad montana pariter properantes inveniunt locum jam a Domino praedestinatum sic victu aridum, sic ascensu praeruptum quo fluebat interdum aquae liquor exiguus aliquatenus nec ipsos recreabat exhaustus, quia fervore immani hic quoque certo tempore reddebatur desiccatus ut fere mille passuum spatio cum utribus monte in adverso (unda) suis humeris veheretur : ut cum vellent vapores restringere, sub aquae sarcina(m) plus sitirent, et inde ardor per sudorem accenderet(ur) unde arida viscera cuperent temperare. Tamen erant pro parte nives candentes solatium quae praemissae ad usum potionis vel necessitatis aliae aqua per ignem generata proficeret. Ut tunc licet maxime plus sentiretur de frigore, tamen (in) vicinitate unde fiebat minus fatigantis compensatio de labore. Quo (in loco ubi manebat) de quacumque parte venti vigor incumberet homo nec pede consisteret sed impulsus in terra naufragus oberraret. Ubi hospitio condito quicquid tecti aut instrumenti casella poposcerat collo suo fere de duobus mil(l)ibus subvehebant donec opus perficerent, tali pondere desudantes. Quo perfecto redeunte ad fratres Fronimio abbate, communivit beatissimus Savinus sibi proprium habitaculum in longo pedes septem (et) in latitudine quinque. Quasi domesticum carcerem sibi suis manibus elevavit (collocavit ?) et se arduo antro fortis heremita conclusit, ubi sine itinere requies per menam transiret. Sed requirente abbate cur se sine consilio retrudisset respondit : Ut potes fac qua(e) libet, ego feci quod expedit. Nec minus insultans ei possessor C(h)romatius in cujus reicula facta fuerat cella mandat ut hinc recederet si pati nollet injuriam. Sed vir sanctus suo contentus proposito elegit ante penam quam relinquere(t) cellulam. Quo tamen in loco per annos circiter tredecim sine pullo sine omni (aliquo ?) peculio die noctuque sacer heremita permansit atque aeternae libertatis ille carcerem tenuit. De cujus abstinentia quid prius refert pagina : cum in jejuniis ipsam humanitatem vincebat natura. Una contentus tunica vili25 gunnola superjecta, sine sago pellis substrata. Sine calciamento, nuda planta glacialem hiemem in alpe traducens. Sed admiranda constantia, cum frigus saxa scinderet et nuda viri caro perduraret et postponeret algorem de corpore, manens spiritus in fervore. Grabatus in quo jacebat erat demersa fovea ut non putares lectulum sed sepulchrum ( ; descendente impetu pluviali implebatur aquis fossa et redundabat injuria. Sanctus Sabinus divina gratia fultus patienter sustinebat tentationes appositas, hinc undas, hinc flammas, ut transiens per ignem et aquam veniret in refrigerium). Denique Gaudentius et uxor ejus ad beatum Savinum pariter accesserunt quorum filio lactis copia in partu deerat ipsis ei supplicantibus. Sancto viro intercedente postulata concessa sunt; et fluxit ex oratione sancti confessoris quod non manabat ex ubere matris. Cum ex more solito nocte vigilaret et ignis non potuisset alicubi inveniri, de cereo penitus extincto, admiratione subita repens flamma prorupit, et rutilavit oculis quod negatur igniculis.26 Mirabilis Deus qui voluit ut beatus Savinus de lumine pectoris lucem oculis ministraret. Beato Savino suis orationibus obtinente a Domino, modicus cereus totius noctis ordinem usque ad diem se ardente transegit. Veritati semper studens libentius adeo ut ante hauriret venenum quam diceret mendacium, juramentum evitans quasi sacrilegium. Quantos inergumenos curaverit, relatione difficile est explicare quia sepius per epistolam dira demonia effugavit. Dirus minister furoribus domini insipienter obtemperans, arreptus a demonio ab hoste fero affligitur, et pro vindicta placabili implacabiliter verberatur. Homo dirus a diriore correptus, beato Savino deducitur dulciter medicandus qui mox ut presentatus est curatus. Directus est Dei providentia Julianus diaconus quem abbas Fronimius ei ministrum instituit in quo reclinaret aliquantulum post laborem, cum longa infirmitatis infestatione vexaretur, Sylvano diacono post adjuncto. Ante sui obitus diem petiit abbatem Fronimium ut ei occurrere mereretur, qui dixit non posse tunc id fieri, quibusdam negotiis monasterii impeditus. Beatus Savinus tunc respondit, si vult hodie veniat, nam cras major eum occupatio circumdabit. Evocatis abbatibus atque concordantibus, ante diem sui obitus, sibi sua ordinatione dedicat successorem. Gravi mortis singultu accedente fortis heremita elevatis manibus erectus ad Dominum cum preces effunderet completa oratione saeculo lubrico27 triumphato, rupto longi carceris vinculo, exhalato spiritu feliciter migravit ad Christum. Praesentis vitae cursu feliciter terminato, celestium civium comitatu angelico ducitur coronandus topazio collocandus in gloriae regno. Caecus quidam cum universum cessasset refugium, sancto viro jam defuncto antequam sepeliretur occurrit, qui mox ut beati viri pacem dedit feretro, lumen recepit ex osculo et praestitit viventi visum corpus tumulo claudendum ; ut daretur indicium etsi migratum non mortuum. ''Préambule'' de la Donation de 945 (St Savin, XIe s. ; d'un auteur du VIIIe s., s'inspirant de Venance Fortunat) Manuscrit H.148 des Archives de Pau (1627), copie d'un manuscrit de St Savin postérieur à 1317) Expulso paradisiaca sede larvaei hostis calliditatibus protoplaste postquam proprio miser subjecit Tartareum cum chaos dominis placuit succurrere inefabiliter omnipotenti Deo atque soliditatis tramitem est visum ostendere gradienti procliviores28 lubrici 27 domo virgineo Verbum inserens divinitus proprium talamo. Quod ut christiana in autenticis continet exaratum opipare apicibus fides peracto cursu 27 ad dexteram Patris devicta potentialiter morte desidens fideliumque mentes sancto Flamine 29 complens visit ascire sibi suoque jugo colla submittere gentes quas invaserat insidiose Zabulus 30 cule... (cute... ?) frendens. Interquas fuit successor Apostolorum vir Savinus, vir vita venerabilis 31, doctrina admirabilis, miraculorum patrator ineffabilis Levitanice genti a Christo traditus doctor exilis. Ut fertur in ejus gestis 32 cujus in honore ut est fama post migrationem 27 supradicti ut creditur dignus (dignum ?) est 32 ... patriis ... ad caelestia 27 ...(...construxit mirifice...)33 Sources hagiographiques 1. ''Préambule'' de la donation de 945 : - Copie manuscrite de 1627 ; Archives des Pyrénées-Atlantiques (Pau), n° H.148. - Monasticon Benedictinum de 1677, ch. 3 ; B. N., mss. n° 12695, tome 38, lettre S, f° 349-384. - Larcher (1696-1777) ; ''Dict. p. serv. à l'hist. de la prov. d'Auch'' (1765 et s.) ; ''Cartulaire de St. Savin'', p. 33 (Archives des H.-P., F. 20) ; ''Glanage'' ou ''Preuves'' (1745-1752) ; ''Extr. du Cart. de St. Savin'' en 16 feuillets de parchemin ; XXV, p. 9 (B. C. de Tarbes, c. ms. 45). - Lagrèze ; ''Monographie de St. Savin de Lavedan'' (1850), p. 12-13. - Durier ; ''Cartulaire de St. Savin'' (1880) ; I, p. 1. - Meillon ; ''L'Abbaye de St. Savin'' (1920) ; I, p. 142-148. 2. Vita sancti Savini : - Bréviaire manuscrit de Huesca ; fin-XIIIe s. - Bréviaire manuscrit de St. Savin ; Bibl. de Bagnères-de-Bigorre ; début ou milieu du XIVe s. ; t. 1 (Mss. n° 31, f° 71). - Bréviaire manuscrit de St. Savin ; B. M. de Toulouse ; v. 1366 (Mss. n° 73). - Bréviaire de Montearagon ; 1521. - Bréviaire de Lescar ; 1541 (Château et B. M. de Pau). Les ''Vies'' de Labbe et des Bollandistes (Acta Sanctorum ; 9 octobre) au XVIIe s., ainsi que celle de Bascle de Lagrèze (1850-1863) sont à manipuler avec la plus grande prudence... La Vita du Bréviaire du XIVe s. a adopté pour ses lectiones un ordre qui n'est pas l'ordre initial. Pour se faire une bonne idée de l'ordre originel des paragraphes de la Vita primitive, il est utile de consulter l'article de Dom B. Billet, ''La Vita beatissimi Savini ; Etude critique sur le texte de l'Office de St. Savin-de-Lavedan'' , dans le numéro spécial 17 de la revue ''Lavedan et Pays Toy'' (1985-86), pp. 79 à 90. Ancienneté de la Vita Savini Dom Romary (''Revue des Hautes-Pyrénées'', 1921 ; p. 141) soulignait l'antiquité de certaines expressions contenues dans la Vita Savini. Par exemple, le terme comitiva employé pour désigner la fonction d'Eutulius/Eutytius, personnage poitevin, fut employé surtout du temps de l'administration gothique, du Ve au VIe s. ; le dernier écrivain à l'avoir utilisé est Cassiodore, vers 515 (''Formules'' ou Variae ; selon éditions, II, 28 ou VI, 22, 23 et VII, 26). Grégoire de Tours, à la fin du VIe s., ne l'emploie pas une seule fois. Il n'est pas impossible qu'un auteur de l'Espagne wisigothe du VIe s. l'ait aussi adopté. On peut ainsi penser à saint Victorien d'Asan (Aragon), originaire d'Italie au début du VIe s., ou à Venance Fortunat, évêque de Poitiers, originaire lui aussi de Ravenne, et qui écrivit dès le milieu du VIe siècle (ses Ïuvres comportent d'étranges similitudes avec notre Vita)... Ensuite, le terme Locoteiaco, servant à désigner Ligugé, s'avère tout aussi singulier. Selon Dom Romary (op. cit., p. 143-144), on ne le trouve plus chez Grégoire de Tours, et le dernier écrivain à l'avoir utilisé est ...Venance Fortunat (''Vie de saint Hilaire'', in codic. Sangall. ; ch. 12). Le bénédictin ajoute qu'on retrouve cette expression, selon l'historien de Ligugé Dom Chamard, au VIIe ou plus probablement au VIe s. (après 511) sur un sou d'or ou triens reproduit fidèlement par A. de Barthélémy dans sa ''Bibliothèque de l'Ecole des Chartes'', tome 26, p. 457. On y lit en effet : S. MARTINI LOCOTEIACO ; au revers se trouve le nom du monnayeur, le frank Baudochisilomus. Comme nous l'avons vu précédemment, maints passages de la Vita Savini sont à rapprocher des écrits de Fortunat : - le commentaire de la rencontre entre Savin et Phronime (cf. ''Epitaphe d'Exocius, évêque de Limoges'', 3-4) ; - l'allusion à des guérisons de possédés par une simple lettre (cf. ''Vie de saint Martin'', à propos de la fille d'Arborius) ; - le récit du premier miracle posthume (cf. ''Poème à saint Médard'' : Cum pia composito veherentur membra feretro, substratus meruit caecus habere diem...). - diverses expressions éparses : ...secreta heremi... ; vili tunica vestitur...(Carmina ; I, 5) ; ...alpes pyreneos... Venance Fortunat a écrit plusieurs vies de saints du même style que celle de saint Savin, sous la forme de courtes notices poétiques ou d'épitaphes. Les seuls éléments de la Vita Savini qui pourraient nous orienter vers d'autres pistes sont : - le récit de la vie et du trépas de Savin : ceux-ci en effet ressemblent à s'y méprendre au récit de la vie et de la dormition de saint Hospice, le reclus de St. Jean-Cap Ferrat (+ v. 580), relaté par Grégoire de Tours dans son ''Histoire des Francs'' (livre VI, ch. 6); le biographe de Savin, s'il n'est Grégoire lui-même, serait donc postérieur à la rédaction des six premiers livres de l'Historia Francorum (584); on notera en outre que le De gloria confessorum de Grégoire, plus tardif (594-595), ignore saint Savin, ne citant pour la Bigorre, au Ve siècle, qu'un Justinus, un Severus et un Misilinus, tous trois prêtres dans trois paroisses du Nord du diocèse (Sexciacum, Albiciacum et Talva) ; - le commentaire du comportement de Savin à Poitiers et l'épisode du propriétaire Chromatius. Il y a dans ''l'Admonition à un fils spirituel'', texte latin pseudo-basilien du Sud de la Gaule (Lérins ? - Ve s.), trois passages très semblables (ch. 9 et 19) : Sois satisfait (contentus) de ta nourriture quotidienne ; le superflu, rejette-le loin de toi comme un obstacle à ton propos (propositum)... Que ton âme ne se ruine pas pour des préjudices (poenae) corporels et que des choses temporaires n'amollissent pas la vigueur de ta patience ; mais crains plutôt le dommage (poena), si tu tardes dans ton propos (propositum). L'épisode de Chromatius est également très proche du ch. 15 de l'Admonitio. Or le second auteur qui se soit inspiré de cette Admonitio, après saint Benoît, est à la fin du VIIe s. Défensor de Ligugé, qui lui emprunte une cinquantaine de ses ''étincelles''. Cet écrivain, qui connaissait bien les Ïuvres de Grégoire de Tours et de Fortunat, n'est cependant pas connu pour avoir donné dans l'hagiographie. Tout semble nous orienter, en ce qui concerne la Vita Savini, vers un écrit poitevin du VIe ou du VIIe s., dû à Venance Fortunat ou à Défensor. A cela il faut ajouter que le ''préambule'' de la Donation de 945, révèle plusieurs expressions empruntées à Fortunat, comme paradisiaca, ou hostis calliditatibus protoplaste (cf. Pange lingua, 4-9). Le passage fideliumque mentes sancto Flamine complens s'apparente par le style au poème de Fortunat ''au diacre Ruccon'' : Humanam mentem Christi quo gratia ditet. C'est peut-être un emprunt au ''Poème 17'' de Paulin à Nicétas (14 janvier 398) : Christo Flamine dextro. Ce ''préambule'' ressemble beaucoup à celui de la Vita Martini du même Fortunat, mais aussi à plusieurs épitaphes du même auteur : pour Rurice de Limoges, saint Gall ou saint Grégoire de Langres. Il s'apparente en outre au ''Poème à l'évêque Félix sur la pâque''. (Sur tous ces rapprochements, voir Fortunat, Carmina ; III; 9 ; 33, 62, 77-78, 85). Probablement antérieur au IXe s. (cf. toponymie), ce ''préambule'' emprunte à la Vita Lamberti (v. 720) et s'apparente à un écrit de Paul Diacre (VIIIe s.), grand admirateur de Fortunat.


1 La plus ancienne source manuscrite désignant Barcelone comme lieu de naissance de Savin est espagnole (Bréviaire de Huesca, fin-XIIIe s.) Elle n'est à aucun moment démentie par la Vita de St Victor-de-Marseille.


2 Eluso était une villa appartenant à Sulpice-Sévère au moment de sa conversion ; il abandonna ce bien en 397, après avoir écrit la ''Vie de saint Martin''. Le site (aujourd'hui ''Font-d'Alzonne'') a été découvert lors de fouilles récentes, à Montferrand en Lauragais, entre Carcassonne et Toulouse. La Vita Savini fait allusion à un bref séjour de Savin à Alisenno : ce rajout du XIVe s. est probablement une réminiscence de la migration du saint, sur le chemin de Barcelone à Toulouse. Mais c'est surtout dans cette dernière cité, chez SulpiceSévère, que Savin demeura peu de temps en instruction (sub arte).


3 Selon sa Vita gothique, Savin avait à Poitiers des parents, notamment un certain Eutulius (Eutytius ?), qui s'illustrait dans l'administration publique de la cité. Précepteur de Gomellus, le fils d'Eutulius, Savin en aurait bien vite fait son secret disciple, tout en obtenant l'estime du maître. Gagnant richement sa vie, Savin, sans attendre, dépensait le superflu en faveur des pauvres, ne gardant pour lui qu'un modeste vêtement et un unique cheval pour véhicule. Et tout ce qu'il ne donnait pas loyalement sur-le-champ, devenait pour lui cause de chute ; aussi Dieu lui rendait-il au centuple, en richesse spirituelle, chacune de ses aumônes. Toujours selon sa Vita (XIVe s.), Savin aurait communiqué à tel point son enthousiasme pour saint Martin, que le fils d'Eutulius courut se réfugier sous la discipline du monastère de Ligugé. La mère de Gemellus pria instamment Savin de partir pour ce lieu, et d'en ramener son fils dans les plus brefs délais. Tout heureux à l'idée de rejoindre son élève au célèbre cénobium de Martin, Savin se serait plié volontiers à cette mission : Or, la divine providence voulut que, au lieu de dérober Gemellus au monastère, ce fut lui-même, Savin, qui s'y déroba... L'épisode de Poitiers nous paraît douteux, surtout depuis que nous avons découvert dans le manuscrit de Wissembourg du Martyrologe de saint Jérôme (VIIIe s.), à la date du 11 juillet (fête d'un autre Savin, martyr en Poitou), le passage suivant : In Alexandria Eutici et in Pectavis civit. depositio Sabini abb. Ce prétendu séjour à Poitiers, s'il est réel, fut inférieur à un an. C'est en effet en 398-399 que Savin fut amené à rencontrer saint Paulin à Rome : Sévère avait confié à Marracinus, porteur de courrier de Savin, une lettre pour Paulin ; mais, outre son accoutrement et son visible penchant pour le vin, l'instabilité et la paresse du domestique donnèrent à Savin un prétexte pour venir lui-même chercher la réponse de Paulin.

Une amitié vit le jour, dès lors, entre les deux hommes. Une Vie de saint Orens d'Auch assure que Savin se trouvait en Bigorre au moment de l'ordination épiscopale d'Orientius, datable de 403. Si donc Savin revenait de Rome en 399 et séjournait à Ligugé en 401 et 402 (et peut-être même dès 400), il passa moins d'un an à Poitiers, ce qui rend hautement improbable la légende gothique, déjà suspecte tant sur le fond que sur la forme. L'auteur de la Vita a pu s'inspirer du ''Poème 21'' à Cytherius, écrit en 400, où saint Paulin félicite son correspondant d'avoir choisi Sulpice-Sévère comme précepteur pour son jeune fils ; Sévère évoluait alors, nous le rappelons, entre Toulouse et les fondations de Martin, entre autre Ligugé.


4 Arborius avait fondé ce monastère dans un de ses domaines appelé Palatium Aemilianum. Ce nom est resté affecté à un fief du proche village de Soulom, ''Palatz'' (Palaccium), mentionné dès 1429 dans les Archives de Lavedan. Arborius fut quelques mois Préfet de Rome (en 380). Ce rhéteur était originaire de Dax. Après une brillante carrière, il était devenu le disciple de saint Martin, qui fit un miracle en sa présence, lors d'une liturgie. Sa fille avait également été miraculeusement guérie d'une grave fièvre quarte, par l'intermédiaire d'une simple lettre de Martin, qu'Arborius avait pu se procurer à temps. Au sujet d'Arborius, voir notamment les ''Vies de saint Martin'' de Sévère (396/397) et de Venance Fortunat (fin-VIe s.), et surtout les ''Dialogues'' de Sulpice-Sévère (III ; 10, 6), composés en 403-404.


5 Autour du Palatium Aemilianum se forma, au Xe siècle, le village qui porte aujourd'hui le nom de ''St. Savin''. Les reliques du vénérable ermite sont conservées dans l'abbatiale romane de ce village : une partie est visible dans plusieurs reliquaires du trésor ; le reste se trouve dans le tombeau roman de l'église collégiale. Trois chapiteaux mérovingiens (VIIe s.) témoignent de l'antiquité de ce lieu de culte (cf. l'article de Nelly Pousthomis-Dalle, in ''Lavedan et Pays Toy'', n° sp. 18 ; 1986 : l'archéologue penche pour leur utilisation dans un contexte basilical mérovingien). Le monastère primitif fut donc peut-être restauré par l'évêque d'Auch Léothade, le siège de Bigorre étant alors vacant.

La plus ancienne mention du Palatium Aemilianum se trouve dans les notes manuscrites de la Chronique dite de Frédégaire (fonds Colbert ; B. I.), datable de 739 mais compilée à la Renaissance : Palatium Aemiliani in Levitaniâ. Comme ces notes sont probablement celles du compilateur lui-même, donc gothiques, il est préférable de considérer comme la plus ancienne mention un Pouillé du XIIe s. Le Martyrologe de Montearagon, en 1521, nomme également le monastère bigourdan Palacium Hemiliacum.


6 Comparer à Venance Fortunat, ''Epitaphe d'Exocius, évêque de Limoges'', vers 3 et 4 : Et, si l'on pouvait changer les lois de la nature, le troupeau se fût précipité sur le grand chemin à la place de son pasteur.


7 Ce lieu est appelé en gascon Poey Asper (pron. ''pouey aspé''), du latin podium asperum, signifiant ''rude promontoire''. Appartenant à la commune d'Uz, il est distant de plus de deux kilomètres et domine de quatre cent mètres l'actuel village de St Savin, où se trouvait le monastère de Phronime.


8 La phrase qui suit est un probable rajout tardif (témoin du temps où l'abbaye de St.Savin était rattachée à St.Victor de Marseille ? ), très semblable à ce qu'on lit chez saint Jean Cassien dans ses Collationes (collatio 24 avec abba Abraham) : Nous pouvions encore placer nos cellules sur les bords du Nil, et avoir l'eau à notre porte. Nous nous serions évité la peine de la porter sur nos épaules.


9 La répartie de Savin, selon sa Vita, aurait été : Ut potes fac qua(e) libet, ego feci quod expedit. Paulin avait écrit : Si geram quod expedit, gratare si vivam ut libet. En fait, il s'agit très certainement d'un emprunt fait à Paulin par l'auteur de la biographie savinienne primitive, comme on le voit par ailleurs : la Vita en effet contient un autre emprunt au même ''Poème 10'' de Paulin à Ausone, oncle d'Arborius : ...Totum sine fraude dirigeret ubi centuplicata commercia bonus dispensator multiplicata foenore reciperet... Paulin avait écrit : ...in utrum se commercia. multo ut rependit foenore. Sine fraude, custos aucta creditoribus bonus aera reddit debitor. On pourrait conclure de la petite phrase attribuée à Savin, que son biographe primitif appartient au VIe s., avant ou peu après le Concile d'Orange (529), dont il ne reflète pas la doctrine augustinienne ; mais s'il s'agit d'un emprunt à Paulin, on ne peut rejeter une date plus tardive.


10 Il faut voir là une attestation de la prière du cÏur dès cette époque en Gaule. La psalmodie est la prière vocale. La prière proprement dite est la prière intellective.


11 L'accoutrement de Savin montre qu'il ne connaissait pas encore la Règle de saint Benoît; il faut donc le rattacher à une époque antérieure, qui serait précisément, en Gascogne, celle des premiers disciples de Martin.


12 L'oratoire et le moulin construits par Orientius se trouvaient sur les bords du torrent Isaurius (Isau riuus), en vallée de Capasia ou Caprasia (Bigorre). Ces noms désignent la vallée de l'Isaby, en face de l'ermitage de Savin. On peut s'interroger sur l'étrange ''coïncidence'' qui, au même moment, en ce même endroit, amena deux hommes de même extraction et probablement de même origine géographique ! ...


13 Le texte de la Donation de 945 est un faux probable du XIIIe s., dont le ''préambule'' émane manifestement d'une époque antérieure ; la forme Levitanice pour désigner le Lavedan trahit le XIe s., c'està-dire l'époque des abbatiats d'Arnaud-Ier (1036-1059), qui répandit le culte du saint, de Bernard-III son successeur, fondateur de l'église actuelle, ou d'Ebrard (v. 1094). Il nous reste de la donation dite de 945 une copie certifiée conforme sur parchemin, datée de 1627, consultable aux Archives des Pyrénées-Atlantiques (Pau ; n° H 148).


14 Ce détail - l'abba nommant lui-même son successeur, mais réunissant d'autres moines par nécessité canonique, comme ce fut le cas entre saint Orens et saint Savin en 403 - désigne une période où le monachisme n'était pas directement lié à l'autorité épiscopale, avant l'instauration de la règle de saint Benoît (fin-VIIe s.). Ce passage semble faire allusion à la présence d'autres moines (ou anachorètes), ne dépendant pas de Phronime, sur cette montagne ou à proximité.


15 La dormition de Savin eut lieu probablement treize ou quatorze ans après son arrivée en Lavedan, arrivée elle-même datable de 402.


16 Le récit de ce miracle paraît emprunté, au vocabulaire près, à un poème de Venance Fortunat dédié à saint Médard. Une tradition orale locale, sans fondement ancien, affirme que cet aveugle était le propriétaire Chromatius, qui avait menacé Savin lors de son installation. Il n'en est rien. Et il faut voir là quelque influence d'une apologie tardive, par trop augustinienne, et qui par son rigorisme, comme dans l'épisode du « moqueur » châtié de mort dans la Vie de saint Amand, pourrait être la marque d'un hagiographe frank.


17 Cf. Abbadie, ''Vie de saint Savin'' (1859-1861), p. 31. Ce miracle se serait produit de nombreuses fois depuis le Moyen-Age.


18 Cette charte commence ainsi : De restitutione S. Savini in Bigorra. (...) Carolus magnus (major) Pippini filius coenobiis (coenobium), collectis in unum coenobialibusque qui redderent excelso suplia vota tonanti... (Archives de la B. N. ; lat. 12779, f° 377b) Meillon pense que les mots manquants sont construxit mirifice, qu'on lit à la fin du ''préambule'' de la Donation de 945.


19 Des chapiteaux identiques, tous datables du VIIe s., ont été découverts à Poitiers (baptistère St. Jean) ; à Jouarre, où ils appartiennent à une crypte ; à ''Mienne'' (Châteaudun), où ils ont été retirés d'une villa intégrée à une église St. Martin située dans le prolongement ; à St.Martin de Moissac, église fondée vers 600 sur les restes d'une villa ou de thermes gallo-romains, et plus près de la Bigorre, à St Vivien de Bielle (diocèse d'Oloron).


20 Outre Savinus lui-même, Eutulius/Eutytius, Gomellus, Locoteiaco, Fronimius (du grec phronimos), Chromatius, Gaudentius, Julianus et Sylvanus, sans parler du Palatium Aemilianum, ne laissent pas la moindre place à un nom germanique.


21 Le mot copulatus peut avoir les deux sens d'ami ou de parent, ce qui n'est pas sans intérêt quand on sait que la Vita Savini dit Savin, un peu comme Martin dans sa jeunesse, envoyé par Dieu en Gaule afin d'y visiter des parents. La Vita Savini emploie d'ailleurs, à propos de la parenté barcelonaise de l'ermite, le mot cognationis. L'un de ces parents gaulois de Savin n'était-il pas Sulpitius (Severus) ?


22 La graphie de la fin du manuscrit de Moissac (écriture serrée et comprimée afin de rentrer dans la page) montre qu'il était recopié d'un modèle plus ancien ; la terminologie de cette Vita la fait remonter au début du XIe s. (toponyme Isaurio, ...) Certains termes sont même à rattacher à une époque antérieure au XIe s. ; le meilleur exemple est Beorra, désignation de la Bigorre avant le IXe s. La tradition associant Savin à Orientius remonte donc au moins à l'une de ces périodes.


23 La date de 1366 correspond au moment où l'abbaye de Caunes-Minervois fut rattachée à celle de St Victor, déjà en possession de St Savin depuis 1080 ; or, l'auteur du Bréviaire de la Bibliothèque de Toulouse ajoute aux stations de Savin, entre Barcelone et Poitiers, Cauna mea.


24 Alpes : le mot désigne également les Pyrénées, chez Venance Fortunat par exemple.

25 Tunica vili : voir Venance Fortunat, à propos de saint Martin : Tum vili tunica vestitur (Carm. ; I, 5).


26 Igniculis : étincelles. Terme cher à Défensor de Ligugé (fin-VIIe s.)


27 Ces mots apparaissent à la fois dans la Vita Savini et dans le bref ''préambule'' de la Donation de 945, ''préambule'' datable du XIe s. au plus tard.


28 Inspiré de Paulin de Nole (''Poème 24'' à Nicetas de Remesiana ; 14 janvier 402) : Via labendi proclivior (Le chemin qui mène à la chute est plus aisé). Voir note 9.

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